La région du Nord-Est du Vietnam, longeant la frontière chinoise, s'étend de la faille du Fleuve Rouge à la baie d'Ha Long. Vue du ciel, elle révèle une succession de massifs compacts, de sommets trapus, de murailles vertigineuses et de plateaux arides parsemés de pitons, dolines, vallées sèches, ravins brumeux, et parfois de canyons comme ceux du Song Chay et du Nho Que, plongeant de 1200 mètres.
Les massifs, constitués de granite, schiste ou calcaire, s’alignent globalement sur un axe Nord-Ouest/Sud-Est. À l’ouest, la faille du Fleuve Rouge et le plateau de Bac Ha marquent la limite. Plus à l’est, le massif granitique du Tay Con Linh culmine à 2427 mètres. Au sud-est, ce massif domine la vallée d’Ha Giang, surveillée au nord-est par le Phu Tha Ca, atteignant 2276 mètres. Non loin, le massif de Can Ty et le plateau de Dong Van, classé géoparc mondial par l’Unesco, s’élèvent vers le nord. À l’ouest, des massifs tels que Thong Nong, Mo Xat, Pia Ouac, Tap Na et Lung Sun forment des murailles imposantes qui descendent doucement vers le Golfe du Tonkin et la baie d’Ha Long, où des pitons immergés délimitent la région.
Cet ensemble montagneux est traversé par plusieurs cours d’eau au débit rapide, irrigant une multitude de petites vallées rizicoles : Song Gam, Mien, Nho Que, Lo, Chay, Cho Cheng, Nang, Bang Giang et Keui Cheum, certains se jetant dans le Fleuve Rouge, d'autres rejoignant la Chine.
Le climat de la région, soumis aux moussons, se divise en deux saisons. La saison sèche, de décembre à mai, alterne entre brouillard et ciel azuré, avec des températures parfois négatives. La saison des pluies, de juin à octobre, se caractérise par des orages en juin-juillet et des averses accompagnées de typhons d'août à novembre.
La végétation du Nord-Est du Vietnam est un spectacle luxuriant de forêts épaisses souvent enveloppées de brume et de steppes à hautes herbes. On y trouve principalement des forêts sempervirentes de basse et haute montagne, où la végétation est dense et diversifiée. Ces forêts abritent une grande variété d’arbres, des orchidées, des fougères, des lianes et des bosquets de bambous. À certaines altitudes, surtout sur les versants sud, des bois de conifères apparaissent.
La faune, riche et diversifiée, regroupe des spécimens endémiques d’Asie du Sud-Est, tels que des ours, des panthères, quelques éléphants et tigres. Ces animaux se trouvent principalement dans les parcs nationaux et réserves du Tay Con Linh, du Du Gia, de Bat Dai Son et du lac Ba Be.
Les premiers habitants de la région du Nord-Est du Vietnam sont les peuples môn-khmers, notamment les Khmu, dont les ancêtres sont arrivés lors de diverses vagues migratoires entre 80 000 et 40 000 av. J.-C., voire selon certaines sources, dès 400 000 av. J.-C. Les Khmu et leurs groupes affiliés se sont établis dans tout le nord de la péninsule indochinoise, créant des royaumes comme celui de la Plaine des Jarres et celui de la Moyenne Nam Ou au nord du Laos.
Au Moyen Âge, les Nung et Tây venus de Chine s’installent dans la région, formant une partie du royaume de Van Lang. Plus tard, cette région tombe sous l'influence de diverses dynasties vietnamiennes. Il y a environ deux siècles, de nouvelles populations migrent de Chine et s'installent sur les hauteurs, notamment les Hmông, Dao et Lolo. Ces groupes forment alors un ensemble de petits royaumes indépendants.
La région se distingue par la richesse de sa diversité ethnique et culturelle, chaque groupe ayant apporté ses traditions, son mode de vie et ses pratiques agricoles, contribuant ainsi à la mosaïque humaine du Nord-Est vietnamien. Aujourd'hui, ces communautés préservent leurs coutumes ancestrales, offrant un témoignage vivant de l'histoire complexe et fascinante de la région.
En 1884, après de longs combats contre les Pavillons Noirs et Jaunes, les Français s'emparent de la région dans le but de fortifier la frontière chinoise et de sécuriser le nord de l'Indochine coloniale. En 1941, Hô Chi Minh, de retour d'exil, établit son état-major à Pac Bo, au nord-ouest de Cao Bang, où il élabore les grandes lignes des campagnes de libération jusqu'en 1945.
Entre 1947 et 1950, les Français continuent de fortifier la frontière le long de la fameuse RC4, route coloniale N4. Cette route devient le théâtre de nombreuses embuscades, culminant en octobre 1950 avec la bataille de la RC4, qui se solde par un désastre majeur pour l'armée française et la perte du Nord-Est.
En 1979, la région est le lieu d'une guerre éclair contre la Chine, avant de retomber dans l'oubli jusqu'au début des années 1990. Cette période de conflits a laissé des traces profondes dans la mémoire collective et l’histoire du Nord-Est du Vietnam, façonnant son identité et son développement contemporain.