Khuoi Khon somnole paisiblement à l’extrémité d’une vallée verdoyante, orientée vers le couchant, où la Song Nhiao gronde en contrebas. Dominé par les crêtes et les petits sommets arrondis des ramifications sud-ouest du mont Kheu Mu (1336 m), le village s'étend sur une des contre-pentes de ce mont, divisé en deux parties : la haute et la basse.
Les maisons sur pilotis, pourvues de terrasses et de petites alcôves, se dispersent harmonieusement entre des bosquets de bambous royaux et de bananiers, reliées par un réseau de sentes sinueuses. Au centre du village, une source captée du mont Kheu Mu fournit l’eau précieuse. Au nord, le cimetière et son bois sacré, ombragé d’arbres centenaires et noueux, veillent sur le village. Non loin, la maison communale, lieu de réunions et de cérémonies, symbolise le cœur social de Khuoi Khon.
Les habitants de Khuoi Khon, appartenant au sous-groupe Lolo noir, une des plus petites minorités ethniques du pays, perpétuent des rites et coutumes séculaires. La vie y est communautaire, les travaux agricoles s'effectuant en groupes. Les mois s'articulent autour des activités agraires : entretien des brûlis, des rizières en terrasses, labours, semailles, repiquages et récoltes. Le quotidien est rythmé par des tâches routinières : tamisage et pilonnage du riz, quête de feuillages pour les bestiaux, éminçage des troncs de bananiers pour les cochons noirs, cuisson des feuillages dans des fours en terre, décorticage des épis de maïs, corvées d’eau et de bois.
Les Lolo, appartenant au groupe tibéto-birman des Yi, sont originaires de Chine du Sud. Brimés au XVIIIe siècle, quelques clans migrèrent vers le nord du Vietnam, où ils sont désormais quatre mille deux cents. Divisés en deux sous-groupes, les Lolo blancs ou fleuris, et les Lolo noirs, ces derniers, environ mille huit cent soixante, sont établis dans les massifs dominant le district de Bao Lac, dans le nord-ouest de la province de Cao Bang.
Le costume des femmes Lolo est un chef-d'œuvre de broderie et de symbolisme. Elles portent un pantalon noir uni, un turban noir, et une veste courte méticuleusement brodée à la main. Des textiles roses, verts et jaunes, contrastés, forment des motifs géométriques rappelant les fleurs de Lolo et les symboles des Hmông blancs de Lung Tam. Les manches sont ornées de bandes de tissu rayées, épaisses et fines, s'arrêtant juste avant l’épaule. Cette tenue est complétée par des bijoux en argent bénis par un chaman pour chasser les mauvais esprits, et par un foulard à carreaux vietnamien placé autour de la taille et sur la tête.